Autant vous l’avouer M. d’Ormesson: je vous apprécie. J’aime la légèreté avec laquelle vous regardez vos contemporains, le sens de la formule qui s’ajoute à votre culture infinie, la fausse humilité derrière laquelle vous cachez votre désir évident de nous séduire. Empli de contradictions mais brillant !
Un de mes amis viens de me faire parvenir un article que vous publiâtes le 11 Novembre dernier dans le Figaro, article intitulé « Triomphe et tombeau de François Hollande » dont nos lecteurs trouveront ici une copie.
Je me suis régalé; votre virtuosité dans le condensé vachard mais élégant « C’est vrai: Sarkozy en a trop fait. Hollande c’est l’inverse » n’a d’égale que la précision et la fluidité de votre écriture.
Mais, mon enthousiame littéraire s’arrête là où commence l’analyse politique.
Ce qui m’interpelle, M. d’Ormesson, et ne peux accepter c’est
- qu’après nous avoir dit « M. Sarkozy, autant le reconnaître, a fait pas mal d’erreurs » ou « je veux bien croire … que les handicaps du président sortant sont bien lourds à supporter » puis, au sujet de M. Hollande, « il ferait … un excellent président de la IVe République. Ou plutôt de la IIIe. Par temps calme et sans nuage, il n’est jamais trop bas, mais pas non plus trop haut. Une espèce d’entre-deux … »,
- vous tiriez la conclusion: « Je choisis le camp, à peu près cohérent « Sarkozy-Fillon-Juppé » contre le camp, incohérent jusqu’à l’absurde, « Hollande … – Aubry-Joly-Mélanchon … ».
Non, M. d’Ormesson ! Si la cohérence est une vertu, choisir une politique à cette seule aune est largement insuffisant voire dangereux. Je connais des dictatures qui ont été (sont) parfaitement cohérentes et, sans comparer ceci et cela, la cohérence de M. Sarkozy de systématiquement favoriser ce que les vilains nomment « la bande du Fouquet’s » ne me paraît pas devoir lui assurer ma sympathie. Ce n’est pas pour autant que je me réjouis d’une éventuelle présidence de M. Hollande « avec le concours des amis de toutes sortes et étrangement bariolés que lui a réservés le destin » comme vous le dites si bien.
Je partage votre interrogation finale « Je me demande dans quel état sera la France en 2014 ou 2015 ? ». Il me semble qu’entre les deux ravins dans lesquels elle risque de s’enfoncer, il existe une voie de crête, difficile, escarpée, mais qui, forcément, arrive au sommet: il suffit d’un peu de courage (et d’un peu d’inconscience, je l’avoue) pour l’emprunter.
Le choix est simple, M. d’Ormesson: il faut se résigner ou oser !
Ce désaccord de fond, n’altère en rien le plaisir que j’ai de vous écouter et lire (parfois), vous qui nous avez déjà avoué, par avance, vous être souvent trompé …
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… y compris sur cette phrase malheureuse quand, en 1975, en fin de de guerre du Viet-nam, vous regrettiez « un air de liberté qui flottait sur Saïgon », ce qui vous valut le célèbre pamphlet ci-dessous, trop sévère à mon gré, de notre barde Ardéchois Jean Ferrat. Il est vrai qu’alors, la position américaine était également « cohérente ».
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Claude Escande