Mariage entre homosexuels: la question mal posée.

Comment, dans un blog politique aussi modeste soit-il, ne pas faire écho à ce débat sur le « Mariage pour tous » qui agite tant la société française ces derniers temps. Mais la logorrhée médiatique qui nous assaille est-elle un vrai débat ?
La réponse est « non » ; la notion de débat implique l’écoute des uns et des autres ; aujourd’hui, sur le sujet, cette écoute est absente. Pourquoi ?

Quelques souvenirs de management en milieu industriel me rappellent l’axiome « quand une question est mal posée, la solution est rarement satisfaisante » ou son corrolaire « quand on propose une solution à priori, si celle-ci ne répond pas à un besoin identifié, elle ne sera pas acceptée ni appliquée ». Face au déferlement d’arguments qui nous a été asséné ces jours-ci, à mon tour j’aimerais poser la question: « au fait, de quoi s’agit-il ? »

La vérité si je mens. En premier lieu, constatons que l’intitulé du projet utilisé par de nombreux médias et hommes politiques  « Le mariage pour tous  » est imprécis et, sous une dénomination à priori sympathique et généreuse, semble vouloir occulter le contenu du projet. En toute mauvaise foi sémantique, ce titre:

  • donne raison à Monseigneur Barbarin, évêque de Lyon : pourquoi pas un mariage entre frères et soeurs, entre cousins-cousines, voire entre père et fille puisqu’il est « pour tous » au titre des seuls critères d’amour et de liberté ?
  • permet à des « intellectuels avant-gardistes » de dire « mais pourquoi s’arrêter à deux; pourquoi pas des familles à trois ou à quatre adultes ? »(remarques hors interview principal de la romancière Catherine Robbe-Grillet au cours de l’émission « on n’est pas couché » du 17 Novembre 2012).

Soyons sérieux, l’intitulé du projet de loi est : « Projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels »; appelons les choses par leur nom, le débat n’en sera que plus clair.

Parlez-moi d’amour. Continuons dans la précision ; reprenons les définitions basiques: le mariage civil est un contrat, le mariage religieux est un engagement. On peut contester cette définition simpliste mais comprenons dès à présent, qu’on le regrette ou non, que l’on ne passe pas devant M. le Maire au nom de l’Amour (avec un grand A) mais pour signer un acte juridique. La question posée n’est pas « vous aimez-vous ? » mais « voulez-vous prendre pour époux(se) …?  »
Ainsi, vis à vis de la loi, l’amour que se portent deux homosexuels ne peut être mis en avant pour justifier ce nouveau projet de loi (même si j’entends que cet amour puisse être aussi sincère et profond qu’au sein de certains couples hétérosexuels). Curieusement, ce serait au curé, à l’iman ou au rabbin d’approfondir et d’intégrer dans sa réflexion la dimension spirituelle de cet amour ; d’ailleurs certains religieux le font et, à ce titre, se déclarent favorables à ce projet.

Il est libre Max . Si ce projet ne parle pas d’amour, certains mettent en avant le besoin « d’ouverture d’un espace de liberté » supplémentaire aux couples de personnes du même sexe. Admettons que notre société n’est pas au clair avec cette question « le mariage est-il un espace de liberté ? ». Si l’on fait référence à la « liberté individuelle », la réponse serait plutôt négative. Trois réflexions en ce sens:

  • il n’y a pas plus belle réponse libertaire sur le mariage que la chanson d’amour « la non demande en mariage » de Georges Brassens. Cette approche de refus assumé du mariage n’est pas qu’anecdotique, elle est choisie par beaucoup; n’est-elle pas d’ailleurs appliquée au plus haut niveau de l’état ?
  • devant les « contraintes » du mariage (réelles ou supposées – ce n’est pas la question), nombre de couples hétérosexuels préfèrent le pacs au contrat de mariage
  • beaucoup souhaitent que les procédures de divorce soient simplifiées, demandant ainsi, à contrario, une révision assouplie du contenu du mariage civil.

« Chacun sa route, chacun son chemin » tel est le credo de notre société sur ce point. On se « pacse » d’abord ; pour beaucoup le mariage n’est plus qu’une occasion de faire la fête en famille et entre copains.

Ne me quitte pas. Alors, s’il ne s’agit pas d’amour ni de liberté, revenons en à la loi: « l’acte de mariage transforme le statut des individus qui s’y sont engagés. Il crée des obligations légales entre les conjoints et dans leurs familles étendues » dit celle-ci. En quoi, par rapport au pacs, tant apprécié aujourd’hui des hétérosexuels, le mariage apporte-t-il des droits et devoirs différents.
Cette comparaison peut être approfondie par chacun sur internet (Code Civil et Mariage , Contrat de mariage avec contrat  ou sans contrat  , Code Civil et Pacs ) ; si les devoirs concernant la solidarité entre partenaires sont globalement du même ordre, on notera ici quelques différences:

  • le pacs peut être passé entre personnes d’un même sexe,
  • le mariage c’est devant le maire, le pacs c’est devant le greffier du tribunal d’instance ou un notaire,
  • un divorce nécessite une procédure longue et souvent couteuse, la rupture d’un pacs se fait par simple lettre d’un ou des deux conjoints et prend effet dès que celle-ci est enregistrée,
  • le marié s’engage à être fidèle, le signataire d’un pacs non,
  • sauf disposition spécifique, dans un pacs, chaque partenaire garde ses biens à son nom et n’est responsable des dettes de l’autre que pour ce qui est des achats courants liés à la communauté … pour un(e) « marié(e) », il (elle) se trouve pénalement solidaire de toute dette, même exceptionnelle, contractée par son (sa) conjoint(e).

Les uns contre les autres. Le pacs est donc « plus souple » que le mariage et propose un « espace de liberté » plus grand. A l’époque, l’introduction du pacs n’a pas fait l’objet , en parallèle, d’une réflexion sur le repositionnement du concept « mariage civil » (pour quoi faire? comment? contenu?) : dans l’inconscient collectif, le pacs c’était pour les « homos » et le mariage pour les « hétéros ». A ce jour il faut constater que la société a évolué : de nombreux couples hétérosexuels adoptent le pacs et refusent « l’institution mariage ». De fait, le projet de loi actuel relance cette question fondamentale non traitée du sens du « mariage civil », question que d’aucuns pour des raisons parfois opposées, refusent de se poser.

La déclaration. Deux autres points majeurs différencient le pacs du mariage civil:

  • la règlementation concernant la succession … mais cette différence peut être facilement surmontée par un acte notarié adéquat entre partenaires,
  • l’autorité parentale. L’article 213 du code civil sur le mariage est très clair: « les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient l’éducation des enfants et préparent leur avenir« . Rien, sur ce thème dans le pacs.


Il semble que, actuellement, dans les couples hétérosexuels « pacsés », hormis la fête citée plus haut, c’est cette question de l’autorité parentale et, ainsi, le désir d’être identifés comme une famille qui les amène à se marier civilement
Les mêmes causes donnant les mêmes effets, c’est donc pour la même raison que les couples homosexuels demandent le mariage: l’autorité parentale et la notion de famille.  Le reste n’est que détails et ne nécessiterait pas un débat mais un simple réajustement de certains articles de lois ou quelques changements de vocabulaire.

Pour conclure provisoirement. Considérons éclaircie la question posée en début d’ article « de quoi s’agit-il ? »
Pour qu’un débat serein s’engage autour de cette question, il faut que des conditions d’écoute des arguments des uns et des autres soient réunies, l’objectif étant que les conclusions et les conséquences du projet de loi final – si projet de loi il y a – soient comprises de tous (je n’ai pas dis « acceptées de tous »).
Force est de constater que, à ce jour, au nom de l’idéologie, de la religion, du communautarisme, des erreurs de communications, des gaffes d’un tel ou d’un tel … nous nous retrouvons dans un imbroglio argumentaire qu’il faudrait surmonter.

Nous essaierons d’apporter notre contribution sur ce point dans un prochain article: mariage entre homosexuels: contexte, idéologies, non dits et autres gaffes

Claude Escande

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2 réponses à Mariage entre homosexuels: la question mal posée.

  1. Emmanuel AMPHOUX dit :

    Très pertinente analyse de ce problème de notre société.
    Ouvrons nos yeux : de nombreuses sociétés occidentales sont déjà en avance sur la notre quant à l’égalité des droits entre citoyens.
    Bien sûr et ce n’est pas un scoop, il y a des hommes et des femmes homosexuels dans la population française ; ils, elles ont le droit de vivre ensemble et donc de revendiquer la matérialisation de leur union civile devant la société, au même titre que les couples hétérosexuels.
    En France, il y a d’ailleurs également des hommes et femmes qui sont bisexuels….
    Si la « qualité » des unions strictement hétérosexuelles était si « particulière et exemplaire », cela se saurait, et l’on ne connaitrait pas autant de familles monoparentales, de familles x fois recomposées, de femmes isolées, abandonnées, élevant seules leurs enfants, etc, etc..
    L’amour de l’autre est chose complexe ; le droit d’officialiser aux yeux de tous cette union doit être reconnu aux personnes du même sexe car c’est l’évolution de nos sociétés où Tartuffe est moins présent…
    Les crispations actuelles, les postures politiques sont largement sous tendues par le conservatisme naturel de notre société française où le dialogue et la tolérance sont considérés valeurs iconoclastes.
    Pour une société apaisée nous devons nous armer de tolérance et de bienveillance pour toutes les formes d’engagement au nom d’un amour mutuel.

  2. André DUPONT dit :

    Bravo pour cet article qui analyse bien le problème actuel. Est-ce que la question finira par être bien posée ? On peut tous l’espérer.

Les commentaires sont fermés.