En apprenant la terrible nouvelle de ce matin j’ai trouvé que nous avions besoin d’autres choses que d’un tweet supplémentaire dans une espèce d’escalade et de surenchère médiatique et de déclarations réductrices
J’ai à vrai dire pensé à plusieurs choses :
A la volonté évidente de fracturation de ceux qui attentats après attentats dévoilent leurs plans : attiser, créer, nourrir la haine, dresser les citoyens les uns contre les autres dans une escalade de la barbarie allant de l’assassinat de journalistes, à un magasin casher visant la communauté juive, s’attaquant aux spectateurs d’un concert ou d’un match de football, à des passants attablés puis à des enfants et leurs parents à l’issue d’un feu d’artifice et finalement ce jour à un prêtre catholique … de 86 ans, célébrant sa messe. A une escalade dans la terreur et dans la géographie de la terreur donnant sans doute à beaucoup d’entre nous le sentiment de n’être nulle part à l’abri.
Lutter contre cette stratégie funeste c’est d’abord en prendre conscience et tenir bon face à ces ennemis. Et c’est aussi refuser la peur et l’idée qu’ils arriveraient finalement à ne dicter nos décisions que sous cette contrainte. C’est à eux de reculer, pas à nous. C’est à nous de leur imposer nos lois et pas à eux. Et c’est à nous de construire ensemble une société qui manifestement a perdu ses repères et qui va devoir chercher les voies d’un destin commun. Et à l’heure ou les JMJ débutent à Cracovie de penser à Jean-Paul II qui disait à ces frères polonais et de l’est « N’ayez pas peur ».
J’ai aussi pensé à ceux qui, tous les jours en Syrie et en Irak par exemple, vivent depuis des années des scènes du même genre, chrétiens d’orient, musulmans et dont on comprend encore mieux aujourd’hui, comment, sous la terreur, il sont conduits à chercher par tous les moyens à rejoindre une terre promis de paix et de liberté. Et donc j’ai pensé aux réfugiés de l’autre rive de la méditérranée.
Et je me suis remémoré les messages continus du christianisme vers lesquels je nous invite que l’on soit croyant ou non à nous tourner en ces heures sombres pour ne pas céder à ceux qui sont en guerre contre nous ou ne pas céder à ceux qui veulent instrumentaliser cet acte barbare pour dresser les Hommes les uns contre les autres au nom de la religion. Et j’ai pensé à ce prêtre qui, tout son sacerdoce durant, n’a cessé de vivre en chrétien et de rapporter la parole du christ : « Aimer vous les uns les autres comme je vous ai aimé ». Parole que je n’ai cessé d’entendre relayée par l’église, par les églises. Et je me suis dit que c’était leur force, notre force.
Je me suis dis qu’à la longue, attentats après attentats, les paroles publiques paraîtraient bien vaines devant l’escalade, la multiplication, et l’accélération dans l’horreur. Et c’est l’impression qui me reste de cette journée entre les mêmes paroles, les mêmes mots entendus depuis le mois de janvier 2015 et le sentiment d’une impuissance collective à agir et les paroles de ceux qui vous explique que bien sûr avec eux tout aurait été différent. Et comme le disait F Bayrou, assumer l’exigence de ne pas céder à la facilité électoraliste n’exclut en rien la nécessité que nous avons ensemble de nous interroger sur nos dispositifs législatifs et sur leur application concrète.
Et enfin j’ai pensé à ce qu’avait dit Antoine Leiris dont la compagne a été tuée au Bataclan parce que la parole d’une victime si l’on est un peu humble elle tient une force incroyable dans ces moments là. Et je me permets de nous les remettre en mémoire en pensant à toutes les autres victimes de France et d’ailleurs.
« Vous n’aurez pas ma haine »
Antoine Leiris
16 novembre 2015 ·
« Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son coeur.
Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’ai peur, que je regarde mes concitoyens avec un oeil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore.
Je l’ai vue ce matin. Enfin, après des nuits et des jours d’attente. Elle était aussi belle que lorsqu’elle est partie ce vendredi soir, aussi belle que lorsque j’en suis tombé éperdument amoureux il y a plus de 12 ans. Bien sûr je suis dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera de courte durée. Je sais qu’elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n’aurez jamais accès.
Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus fort que toutes les armées du monde. Je n’ai d’ailleurs pas plus de temps à vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. Il a 17 mois à peine, il va manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours et toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre. Car non, vous n’aurez pas sa haine non plus» .