Comédie « so british » ou pas, nous avons tous l’impression que la Grande Bretagne fait jouer à l’Europe un jeu dangereux. Vous trouverez ci-dessous le billet d’humeur de Patrick Roccia (et, pour compléter, ici la réaction pour le moins musclée de Sylvie Goulard (clic) ou ici le commentaire de Marielle de Sarnez (clic), toutes deux députés européennes).
Sous ce vocable abscons, Britain Exit, se cache en réalité un enjeu essentiel pour l’avenir de l’Union Européenne et celui des citoyens.
L’affaire est extrêmement simple: David Cameron, Premier Ministre, a fait campagne sur la mise en œuvre d’un référendum sur l’adhésion du Royaume-Uni à l’Union Européenne. Il soumet maintenant cette décision à l’octroi de clauses dérogatoires concernant la position du Royaume-Uni en regard des traités actuels dans quatre domaines : la gouvernance économique, la compétitivité, la souveraineté et la question de l’immigration.
Cette situation est symptomatique d’un profond malaise. En effet, le Royaume-Uni bénéficie déjà d’un statut spécial. Pour autant, il fait partie des états-membres qui transposent rigoureusement les directives européennes (contrairement à la France par exemple). Il y a donc manifestement un problème de fonctionnement des institutions.
En réalité, ce que nos dirigeants négocient, sous le manteau, …
s’apparente ni plus ni moins à un nouveau traité international entre les états membres. Et il n’est pas anodin de noter que certaines demandes reçoivent un accueil favorable de la part de certains dirigeants européens, au cas par cas. Pour éviter un tel bouleversement, ce que l’Allemagne refuse, on ne discute que de l’accessoire. Chaque traité européen comporte des annexes par pays indiquant qu’il y a accord sur l’ensemble avec des exceptions. L’accord obtenu au forceps n’est qu’un amendement de l’annexe du traité relative au Royaume-Uni. Et dans la tradition des sommets européens, chacun rentre chez soi satisfait. Mais rien n’est réglé. Et c’est la porte ouverte à ce que chaque pays demande à son tour des dérogations.
On peut, on doit, alors se poser certaines questions et surtout les poser à nos dirigeants:
- si les dirigeants européens admettent que certaines demandes sont justifiées, alors fi des négociations petits bras en catimini. Relançons la procédure d’un nouveau traité succédant au traité constitutionnel actuel, dit de Lisbonne, jugé insatisfaisant
- si ces demandes sont justifiées, et qu’elles sont satisfaites, alors rien n’interdit à tout autre état-membre de formuler ses propres exigences. Cette procédure conduit à construire une union européenne à la carte, qui n’est alors plus une union. On doit alors envisager une renégociation des traités.
- si ces demandes sont satisfaites, alors il appartient au peuple britannique de décider de son avenir, en conscience et en liberté. Dans ce cas, quel que soit le résultat, une renégociation des traités s’imposera.
De fait, et quelle que soit la réponse du peuple britannique, on n’échappera pas à une renégociation des traités.
En résumé, trente ans après l’Acte Unique, vingt quatre ans après le traité de Maastricht, six ans après le traité de Lisbonne, six ans aussi après la crise bancaire internationale, en pleine crise des migrants, la refondation du projet européen s’impose.
Merci Mr Cameron d’avoir placé l’Union Européenne devant ses responsabilités.