- Lui: « Tiens, regarde, il est là à droite ».
- Elle « où ? ».
- Lui: « Trop tard, il est déjà à gauche ».
- Elle: « Bè, je l’vois plus ».
- Lui: « Mais si, il ré-apparaît, il est sur un autre cheval, au centre ».
- Elle: « Il est mal placé pour décrocher le pompon »…
Tous les parents qui ont amené leur enfant au square pour faire un tour de manège ont déjà tenu ce type de petit dialogue. C’est l’image qui m’est venue ces derniers jours en assistant au joutes et commentaires politiques de tout bord … excepté que si cette image est attendrissante, le spectacle politique, lui, apparaît consternant à beaucoup.
Pourtant, à y voir de plus près, c’est plutôt au « jeu de la vérité » auquel nous assistons et, nous, démocrates, devons participer à cet éclaircissement. Essayons, d’abord du côté gauche:
Le Front de Gauche se trouve actuellement hors-jeu; pour faire simple, chacune de ces composantes est tiraillée entre:
- d’une part, des convictions révolutionnaires « anti-capital » constituant leur ADN (de façon plus ou moins appuyée selon les tendances), convictions souvent érigées en principe intangible,
- et, d’autre part, un souhait d’apparaître comme une alternative gouvernementale plausible, participante au jeu démocratique.
De fait, une révolution demande un « grand soir »; elle ne s’adapte que peu à une gouvernance démocratique au quotidien qui, elle, nécessite des compromis. Cependant, loin de moi l’idée de me moquer. La lumière crue de ce projecteur bloqué dans la seule direction « anti-capitaliste » éclaire parfois de façon pertinente les travers de notre société aujourd’hui mondialisée.
Dans le jeu politique actuel, l’approche « extrême gauche » est peu audible; le fait que Jean-Luc Mélanchon ait eu besoin de « prendre du recul » en est la preuve.
Le parti socialiste – en fait, chaque socialiste – est divisé entre deux cultures
- une « social-démocrate », historiquement héritière du « Front populaire », prône une approche keynésienne du rôle de l’état (régulateur, interventionniste, politique de l’offre…) . Elle s’appuie sur une vision « sociétale » de ce que doit être la France (abolition de la peine de mort, 35 h, mariage homosexuel, rythmes scolaires, laïcisme systémique …), vision élaborée dans de nombreux « think-tanks » ou « courants » internes au parti. La volonté affichée d’imposer cette vision est souvent considérée comme arrogante et, à l’étranger, est perçue comme « donneuse de leçon ».
- une « démocrate-social » qui, considérant que les avancées de l’après-guerre en terme de solidarité sont maintenant bien ancrées dans la société française estime que le « socialisme » consiste à améliorer et adapter le système en donnant à chacun des acteurs sociaux la possibilité de s’exprimer et d’agir; à l’Etat d’en faire une synthèse « juste et sociale ». Cette tendance est considérée comme « plus libérale » et « réformiste » même si elle ne renie en rien la vision « idéologique » précédente.
Allons-nous donc vers un éclatement du P.S. ?
- Idéologiquement, je ne crois pas. Il est « normal » que la réflexion identitaire sur « que signifie le socialisme au 21è siècle » ait lieu. Notons que cette réflexion ne peut plus se limiter au seul cadre franco-français et dépasse également le cadre européen. La mondialisation des échanges économiques et des idées, nécessite une « vision sociétale » du monde de demain, vision alternative au seul jeu libéral? En tant que démocrate, il me parait important que cette alternative existe; je dirai même plus: nous nous devons de participer à cette réflexion.
- Politiquement: l’éclatement est théoriquement possible mais je n’y crois pas non plus
- Il est vrai que, dans le jeu politique français où la clé de voûte est l’élection présidentielle, on voit apparaître des personnalité représentant les deux tendances (Pour faire simple Martine Aubry d’un côté, Manuel Valls de l’autre). A ce titre, le jeu des ambitions peut étayer l’hypothèse d’une division.
- Cette tendance à la personnalisation des deux courants est exacerbée par les mauvais résultats et l’impopularité de la gouvernance de François Hollande qui n’arrive plus à faire la synthèse de sa majorité.
- Cependant, je constate que la « fronde actuelle », bien que réelle, est amplifiée par les médias. Oui, un certain nombre de « frondeurs » se sont abstenus pour le vote du budget à l’Assemblée Nationale. Mais, nous avons connu d’autres gouvernements qui ont été amené à utiliser l’article 49.3 de la constitution pour « faire passer » leur budget. La fronde, essentiellement verbale, me paraît bien inoffensive, elle n’a ni élastique ni pierre à lancer. Politiquement, elle ne peut vivre par elle-même: ce serait un suicide.
- Et d’ici 2017 …
Europe Ecologie – Les Verts et le Parti Radical. Quelle est la structure idéologique de ces 2 partis ? Leur pragmatisme politique l’a emporté sur le débat d’idées: leur vie est maintenant rythmée par le jeu des alliances et des rapports de force avec le P.S. en vue d’obtenir du poids (certains diront « des postes ») lors des différentes élections.
- E.E.L.V. n’est plus qu’un « courant » du P.S. essayant d’influencer ce dernier sur les aspects environnementaux. On constate d’ailleurs que la division culturelle décrite plus haut est la même:
- l’échec patent de l’approche volontariste de la politique du logement proposée par Cécile Duflot est un exemple de la tendance « donneuse de leçons »,
- Les réflexions économico-sociales d’un François de Rugy, ancien adhérent de « Génération Ecologie » de Brice Lalonde (qu’il considérait comme « pragmatique »), me paraissent relever de la tendance « réformiste » de E.E.L.V.
Au quotidien, la vie politique des militants ne consiste plus qu’à avaler des couleuvres (Fessenheim, Ecotax, …). La volonté « d’exister » de façon indépendante du P.S. est telle qu’elle a amené certains de ces cadres à politiser la mort d’un manifestant lors des affrontements dans le cadre de l’affaire du barrage de Sivens: pathétique ! (N. Sarkozy, en fait de même, d’ailleurs).
- L’influence du Parti Radical se limite à une présence territoriale historique, en particulier dans le Sud-Ouest. Cet ancrage lui permet une capacité politique, non de proposition, mais de nuisance. Exemple: la dernière colère de M. Baylet, faisant suite à sa non-élection aux dernières sénatoriales a directement impacté les orientations gouvernementales déjà compliquées sur la Réforme Territoriale uniquement pour des raisons politiciennes.
Là aussi, aucune intention de se moquer de telle ou telle situation. Si nous voulons sortir du désenchantement du manège qui tourne devant nous, il nous faut au contraire essayer de de prendre du recul par rapport au tohu-bohu médiatique (auquel participe aussi certains politiques avec délectation) qui ne présente la politique que sous les aspects des débats partisans, de recherche du pouvoir et de combats de coqs entre personnes personnes à l’égo surdimensionné.
Plus que jamais réflexion, doute, écoute, confrontation d’idées doivent jalonner notre cheminement démocrate.
Le prochain article portera sur le « manège politique désenchanté de droite ». N’hésitez pas à dire, en commentaire, vos accords et désaccords.
(Nota: ces réflexions sont personnelles et n’engagent nullement le MoDem Ardèche – Claude Escande)